Silence, on vogue

Le silence peut-il être photographié? Et comment le faire parler dans un texte qu'on aimerait silencieux? Je m'explique. L'an passé après quelques jours sur mon balcon à observer la vie autour de moi, je n'arrivais pas à mettre une pensée en place ni à mettre le doigt sur l'inconnu qui me hantait. De quoi s'agit-il? Quelle est cette impression que je n'arrive pas à définir? Et puis mon ami Salva de Paros m'a skypé pour savoir comment j'allais et comment je réagissais à la Turquie et il ajoute "tu as du remarquer"? J'ai dit remarquer quoi? "Le silence me dit-il". Mon Dieu, c'est ça cette sensation que je n'arrivais pas à identifier. Merci Salva. Même la circulation se fait dans un silence relatif, seuls les dolmus utilisent le bip, bip pour avertir les piétons qu'ils arrivent. Les enfants ne crient pas, les gens sur leur balcon se parlent doucement, les passagers du dolmus murmurent entre eux, pas de cri, pas de voix haute, pas de maman qui hurle après ses enfants. Et pourtant les turcs sont chaleureux, ils s'accueillent avec tendresse, ils se donnent l'accolade, ils embrassent la main sur la paume et la porte au front en signe de respect, ils chantent, ils dansent mais la vie de tous les jours se vit dans un environnement feutré. Je vis dans un quartier uniquement turc et c'est ce qui me frappe de plus en plus, je les vois, je ne les entends pas, je les croise chaque jour dans la rue, on se dit merhaba, je ne vois pas de colère, j'ai dit à une amie que même les enfants jouent à voix basse. Je ne sais pas donner un nom à cet absence de bruit. Mais Salva l'avait aussi remarqué. Bien sûr, j'écoute les sons, ceux des poules, des coqs, des chats, des chiens, de la vache, de l'appel à la prière. J'ai choisi d'illustrer de mes photos ce silence avec ce que j'aime le mieux au monde, la mer et ce qui s'en approche. L'eau, me dit Erhan, fait partie du quotidien des turcs et, en plus, mon prénom commence par l'eau: Su et je suis du signe des Poissons.